Donner à ses enfants et petits-enfants
Article extrait du mémento Particuliers 2020 paru aux éditions Francis Lefebvre
Quoi de plus naturel que d’aider ses enfants ou ses petits-enfants par des dons d’argent, biens meubles ou immeubles, tout en préparant sa succession, en évitant tout conflit éventuel et en bénéficiant d’une fiscalité favorable. Donation, donation-partage ou donation-partage transgénérationnelle, quels dispositifs choisir ?
Les donations aux enfants et petits-enfants sont naturellement les plus fréquentes ; elles sont d’ailleurs encouragées par une fiscalité favorable : exonération pour les dons de sommes d’argent dans une certaine limite, abattements élevés et tarifs préférentiels.
Il y a deux façons de donner à ses descendants : par donation simple (on parle aussi de donation ordinaire) ou par donation-partage. L’intérêt de la donation-partage, qui se fait par acte notarié, est qu’elle permet d’anticiper le règlement de sa propre succession : c’est à la fois une donation et un partage de ses biens entre ses descendants. Chaque fois que c’est possible, il faut privilégier la donation-partage en raison de ses nombreux avantages par rapport à une donation simple.
Faire une donation-partage à ses enfants
La réalisation d’une donation-partage est faite, de préférence, au profit de l’ensemble de ses enfants, l’objectif étant de partager entre eux tout ou partie de sa future succession. Toutefois, la participation de tous les enfants n’est pas une condition de validité de la donation-partage. Si l’un des enfants est décédé, ses propres enfants peuvent le représenter et prendre sa place dans la donation-partage.
Soit, par exemple, Monsieur Leblanc qui avait deux fils, André et Bernard, André étant déjà décédé en laissant lui-même deux filles. Monsieur Leblanc peut faire une donation-partage à son fils survivant et à ses deux petites-filles. Il est également possible de gratifier ses petits-enfants du vivant même de leurs parents (les enfants de Bernard, dans notre exemple) ; il s’agit alors d’une donation-partage transgénérationnelle, dont les particularités sont exposées un peu plus loin.
Comme son nom l’indique, une donation-partage suppose le partage des biens donnés entre les donataires (Cass. 1re civ. du 6 mars 2013, n° 11-21.892 FS-PBI ; Cass. 1re civ. du 20 novembre 2013, n° 12-25.681 FS-PBI).
Le plus souvent la donation et le partage des biens sont réalisés dans le même acte, mais ils peuvent intervenir en deux temps, par actes séparés. Le donateur doit intervenir à chaque acte (C. civ. art. 1076, al. 2). Si certains enfants ne sont allotis que de droits indivis et si le donateur décède avant que le partage ait pu être effectué en sa présence et sous son autorité, l’opération sera disqualifiée en donation ordinaire par le juge, ce qui aura pour conséquence la perte des avantages liés à la donation-partage.
La donation-partage se forme dès que l’un des enfants a accepté son lot. Le refus par certains bénéficiaires de leur lot respectif est sans incidence sur la validité et l’opposabilité de la donation-partage (Cass. 1re civ. du 13 février 2019, n° 18-11.642 F-PB : BPAT 2/19 inf. 61).
Les avantages de la donation-partage aux enfants
Une donation-partage est d’abord un instrument efficace de paix dans les familles. En réglant à l’avance le partage de leurs biens entre leurs enfants, les parents évitent les conflits liés au règlement de leur succession, au moins à hauteur de ce qui a été compris dans la donation-partage.
La donation-partage est également un instrument de stabilité des transmissions de patrimoine :
- une donation-partage aux enfants n’est jamais rapportable, ce qui signifie que le montant donné n’aura pas à être ajouté à la succession du donateur pour déterminer la part de chaque enfant ;
- pour vérifier au décès du donateur que chaque enfant a bien eu la part minimale que la loi lui réserve, les biens donnés seront en principe évalués au jour de la donation-partage, et non au jour du décès comme dans une donation ordinaire (C. civ. art. 1078). Si la donation-partage a porté sur une fraction significative du patrimoine des parents, il est peu vraisemblable qu’elle soit remise en cause.
Dernier avantage, la donation-partage bénéficie d’une fiscalité favorable. Sur le terrain des droits de donation, la situation est celle d’une donation ordinaire. Mais le droit de partage n’est pas dû, par exception à la règle applicable aux partages de succession.
Que peut-on donner par donation-partage ?
Les enfants peuvent recevoir des meubles de toute sorte, de l’argent, un ou plusieurs immeubles, etc. Tout est possible à condition que les biens donnés soient la propriété du donateur au jour de l’opération : on ne peut pas faire une donation-partage de biens dont on n’est pas encore propriétaire.
Il y a quand même une chose à éviter (mais ce n’est pas interdit) : c’est de prévoir que le donateur conservera un usufruit sur une somme d’argent, ce qui revient en pratique à ce que le bénéficiaire ne touche rien avant la mort du donateur. Prévoir une telle clause prive la donation-partage de l’un de ses avantages essentiels, parce que le règlement de la succession se fera en évaluant les biens donnés au jour du décès du donateur, et non au jour de la donation-partage (C. civ. art. 1078).
Une donation-partage peut réintégrer une ou plusieurs donations simples antérieures. On parle alors d’incorporation. Les avantages de la donation-partage s’appliquent alors à l’ensemble des biens donnés.
Une donation consentie en avancement de part successorale puis incorporée à une donation-partage suit le même traitement liquidatif que la libéralité-partage qui la contient et n’est donc pas sujette à rapport (Cass. 1re civ., 4 juillet 2018, no 16-15.915 F-PB). La solution devrait a fortiori être la même en cas d’incorporation à une donation-partage d’une donation hors part successorale. Sur le plan fiscal, les biens qui avaient déjà été donnés et qui sont incorporés à la donation-partage ne seront pas taxés une seconde fois aux droits de donation mais seront soumis au droit de partage (CGI art. 776 A, al. 1).
Combien donner par donation-partage ?
Le choix du volume de la donation-partage est évidemment à la discrétion du donateur. Mais deux écueils sont à éviter :
- donner tous ses biens (encore que ce ne soit pas interdit). Celui qui donne tout son patrimoine se retrouve à la merci de ses enfants et, sauf cas exceptionnels, il ne pourra pas récupérer ce qu’il a donné, même en cas de mésentente ou de difficultés financières. Il est donc prudent de ne pas trop donner. A tout le moins, il est conseillé de conserver l’usufruit de certains biens, par exemple son habitation (pour pouvoir continuer à y vivre), un portefeuille de titres (pour percevoir des dividendes), etc. ;
- donner trop peu. Pour qu’une donation-partage soit vraiment intéressante, il faut donner une fraction significative de son patrimoine.
Tous les enfants doivent-ils participer à la donation-partage ?
Ce n’est pas obligatoire, mais c’est fortement conseillé : c’est seulement si tous les enfants participent à la donation-partage et acceptent leurs lots que l’opération produit l’ensemble de ses conséquences favorables. Si un enfant a été omis, les biens donnés aux autres sont évalués au jour du décès du donateur, et non au jour de la donation-partage, pour vérifier que chacun a bien reçu la part minimale de succession que la loi lui réserve
(C. civ. art. 1078). Il y a alors un risque accru de voir la donation-partage remise en cause au décès du donateur. A tout le moins, le donateur qui fait une donation-partage à certains seulement de ses enfants a tout intérêt à conserver suffisamment de biens pour que la réserve du ou des enfants écartés puisse être constituée à l’aide des biens de sa succession.
Les parents peuvent-ils faire ensemble une donation-partage à leurs enfants ?
Oui, à condition d’avoir au moins deux enfants communs (dans ce sens, Rép. Cuq : AN 11 mars 2008, n° 12920). On parle alors de donation-partage conjonctive (C. civ. art. 1076-1 et 1077-2). L’avantage de la donation-partage conjonctive effectuée au profit des enfants communs du couple est sa souplesse : elle peut porter à la fois sur des biens communs et sur des biens propres à chacun des époux, sans considération de leur origine. Prenons par exemple M. et Mme Lenoir, chacun propriétaire d’une maison et voulant faire une donation-partage de ces deux maisons à leurs deux enfants. Une donation-partage classique ne serait pas possible, chaque époux ne pouvant donner à chaque enfant que la moitié indivise de sa maison (ce n’est pas un partage). Avec la donation-partage conjonctive, le problème est résolu : chaque époux est censé donner la moitié de ses biens à chaque enfant, mais le partage se fait sans considération de l’origine paternelle ou maternelle des biens. Dans notre exemple, les enfants Lenoir vont récupérer chacun une maison. Les droits de donation sont calculés (abattements et tarifs) distinctement sur les biens donnés par chaque époux à chaque enfant. Si des biens communs sont donnés, chacun des époux est réputé en transmettre la moitié. L’existence d’un ou plusieurs enfants d’un autre lit de l’un et/ou l’autre des époux n’est pas un obstacle à la réalisation d’une donation-partage conjonctive, mais l’opération présente quelques particularités. Chaque époux ne peut donner qu’à ses propres enfants (avec le consentement de son conjoint, s’il donne des biens communs à des enfants non communs) et les enfants non communs ne doivent pas recevoir de biens propres de leur beau-père ou belle-mère. En reprenant l’exemple de M. et Mme Lenoir et en supposant que Mme Lenoir ait eu un enfant d’une précédente union, cet enfant ne pourrait pas recevoir la maison appartenant à M. Lenoir. La liquidation des droits est avantageuse car les biens communs donnés par un époux avec le consentement de l’autre à un enfant non commun sont soumis pour le tout au tarif applicable entre un parent et son enfant et non seulement pour la moitié (CGI art. 778 bis), mais après application d’un seul abattement (BOI-ENR-DMTG-20-20-10 n° 140).
Que se passera-t-il au décès de l’auteur de la donation-partage ?
Les biens que le donateur laissera dans sa succession seront partagés entre ses héritiers. Quant aux biens qui ont fait l’objet de la donation-partage, ils n’auront pas à être ajoutés à la succession pour vérifier si l’égalité entre les enfants a été respectée : une donation-partage aux enfants n’est jamais rapportable à la succession de son auteur. Il faudra, bien sûr, vérifier que chacun des enfants a reçu la part minimale que la loi lui réserve. Mais en pratique, il est rare que cette vérification aboutisse à une remise en cause de la donation-partage, du moins pas si la donation-partage a été relativement égalitaire et a porté sur une fraction significative du patrimoine du donateur. Les biens compris dans la donation-partage sont en effet définitivement évalués au jour de la donation-partage, et non au jour du décès, si les conditions suivantes sont réunies (C. civ. art. 1078) :
- tous les enfants ont reçu un lot dans la donation-partage et l’ont accepté ;
- aucune clause de la donation-partage n’a prévu de réserve d’usufruit sur une somme d’argent.
Faire une donation-partage transgénérationnelle
Les grands-parents ont la possibilité de faire une donation-partage, qualifiée de transgénérationnelle, associant enfants et petits-enfants du vivant même des enfants (C. civ. art. 1075-1). Seule condition requise : les enfants doivent consentir dans l’acte de donation-partage à ce que leurs propres enfants bénéficient de la donation-partage à leur place, que ce soit totalement ou en partie seulement (C. civ. art. 1078-4). Une grande liberté est laissée aux grands-parents : la donation-partage peut bénéficier à tous les enfants et petits-enfants ou seulement à certains d’entre eux. Par exemple, un ascendant peut effectuer une donation-partage au profit de ses deux filles et des enfants de son fils avec le consentement de ce dernier. Si le donateur n’a qu’un enfant, il peut effectuer la donation-partage au profit de son enfant et de ses petits-enfants ou au profit uniquement de ses petits-enfants. Le calcul des droits de donation est effectué en fonction du lien de parenté entre le donateur et les différents bénéficiaires (Code général des impôts, art. 784 B). Par exemple, si l’ascendant effectue une donation-partage au profit de son fils et de ses deux petits-fils, les droits dus sur la part reçue par chaque petit-fils seront calculés après abattement applicable aux donations faites par les grands-parents à leurs petits-enfants, seule la part du fils bénéficiant de l’abattement, plus élevé, spécifique aux donations entre parents et enfants.
Au décès du donateur
Les biens de la succession de l’ascendant donateur sont partagés entre ses enfants et, éventuellement, son conjoint survivant, selon les règles que nous avons vues au début de ce dossier.
Quant aux biens qui ont fait l’objet de la donation-partage, ils n’auront pas à être ajoutés à la succession pour vérifier si l’égalité entre les enfants a été respectée.
Pour vérifier que chaque enfant a bien reçu la part minimale que la loi lui réserve, on tiendra compte de ce que ses propres enfants ont reçu avec son consentement. Et pour évaluer les biens compris dans la donation-partage, on se placera à la date de la donation-partage, et non au jour du décès, si les conditions suivantes sont réunies :
- tous les enfants ont reçu un lot dans la donation-partage ou ont consenti à ce que leurs propres enfants en bénéficient à leur place ;
- aucune clause de la donation-partage n’a prévu de réserve d’usufruit sur une somme d’argent.
Au décès de l’enfant qui a laissé sa place
Lors du décès de l’enfant qui a consenti à ce que ses propres enfants bénéficient à sa place de la donation-partage, et à condition que tous ses enfants sans exception aient bénéficié de cette donation-partage, sa succession sera réglée comme si c’était lui qui avait consenti la donation-partage (C. civ. art. 1078-9). Les biens qui en ont fait l’objet n’auront pas à être ajoutés à sa succession pour vérifier si l’égalité entre ses enfants a été respectée. Et pour vérifier que chacun de ses enfants a bien reçu la part minimale de succession que la loi lui réserve, les biens donnés seront évalués au jour de la donation-partage, et non au jour du décès, s’il n’a pas été prévu de réserve d’usufruit sur une somme d’argent.
Si tous les petits-enfants n’ont pas reçu quelque chose dans la donation-partage, tout se passera comme si les biens leur avaient été donnés par une donation ordinaire de leur père ou mère. Les biens qui ont fait l’objet de la donation-partage devront être ajoutés à la succession pour vérifier si l’égalité entre les enfants a été respectée. Et pour vérifier que chaque enfant a bien reçu la part minimale de succession que la loi lui réserve, les biens donnés seront évalués au jour du décès, et non au jour de la donation-partage.
Il existe quand même un moyen de « sauver » une donation-partage à laquelle tous les petits-enfants au sein d’une même fratrie n’ont pas participé : l’enfant peut incorporer la donation-partage dans une nouvelle donation-partage qu’il consent lui-même à tous ses propres enfants (cf. encadré ci-dessus).
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