L’automobile face aux nouvelles attentes des consommateurs
Par Capucine Beslay, responsable de la recherche satisfaction client chez Trusteam Finance
Alors que le dernier rapport du GIEC est encore frais et que la guerre en Ukraine nous amène à revoir nos priorités énergétiques, la voiture thermique semble plus que jamais « has been » et la voiture électrique le nouvel eldorado des marchés. Mais que pensent les consommateurs de cette émergence ? Sont-ils prêts à franchir le cap de la voiture électrique ? Et quel serait l’impact pour les constructeurs si tel était le cas ?
La question environnementale est plus que jamais présente dans l’esprit des consommateurs. Dans le baromètre mené par Trusteam Finance avec l’Obsoco en juin dernier, 78 % des Français se disaient préoccupés par les questions environnementales et écologiques, selon le Baromètre de l’engagement entreprise d’Obsoco-Trusteam Finance. Un article de Forbes mentionne, par ailleurs, que 46 % des Français sont convaincus que le véhicule électrique pourrait remplacer le thermique. Ils vont même plus loin, puisque 83 % des répondants affirment qu’ils seraient prêts à changer leurs habitudes pour améliorer la qualité de l’air, et autant pour lutter contre le réchauffement climatique, selon l’Ipsos.
Le citoyen qui sommeille en chaque consommateur semble donc prêt à franchir le Rubicon ! Mais comme Trusteam Finance a pu l’observer dans ce baromètre mené en partenariat avec l’Obsoco, entre consommateur et citoyen, le client cherche d’abord son intérêt.
La tension entre ces deux rôles se fait sentir, en particulier quand les Français sont interrogés sur leurs actes d’achat. Qu’il s’agisse des critères pris en considération lors de leur décision ou du supplément de prix qu’ils seraient prêts à payer pour des produits plus respectueux de l’environnement, le citoyen s’efface devant le consommateur. Cela pourrait donc expliquer pourquoi le marché de l’électrique ne représente que 18 % du marché automobile en France(1). Bien qu’encore à ses prémices, le marché de l’électrique en Europe enregistre une hausse de 64 % en 2021, après une hausse de près de 150 % en 2019(1). Complété par les véhicules hybrides, on peut considérer qu’une voiture sur cinq vendues en Europe vient de ce nouveau marché.
Les marques les plus avancées
Indéniablement, les marques asiatiques ont toujours été en avance sur les sujets hybrides. Cela fait quelques années que le baromètre Ipsos-Trusteam de la satisfaction client révèle que des marques comme Kia, Toyota ou encore Hyundai prennent de l’avance sur le sujet. Les autres groupes sont assez disparates en la matière. La marque Tesla est, par ailleurs, un cas intéressant. En effet, leader tout du moins en termes de communication, les clients en font pourtant peu d’éloges. Bien que premier modèle en Europe en termes de ventes, pour ce qui est de la satisfaction client, la marque ferme la marche dans les pays nordiques. Etonnant lorsque nous les savons précurseurs sur le sujet, avec presque 100 % des nouvelles immatriculations qui sont électriques.
Un secteur à part ?
Dans une étude réalisée par l’institut JD Power(2) aux Etats-Unis et publiée en fin d’année dernière, le principal critère de satisfaction des propriétaires de véhicules électriques résidait dans la cohérence entre l’autonomie affichée et l’autonomie réelle du véhicule. Cette dimension comptait pour presque 20 % de la satisfaction globale du répondant. Par ailleurs, une fois le pas franchi, il semblerait qu’il n’y ait pas, ou peu, de retour en arrière. En effet, dans cette même étude, il est indiqué que 82 % des répondants disent qu’ils penseront sérieusement à acheter un autre véhicule électrique à l’avenir.
Très positif, ce dernier point n’implique pas pour autant que tout soit gagné pour les marques. En effet, le fait que quatre clients sur cinq soient prêts à racheter une voiture électrique ne fait pas tout. Au contraire ! L’innovation étant encore omniprésente sur ce nouveau segment de marché, les clients sont encore en phase d’adaptation et de découverte. Près de 40 % des propriétaires de véhicules électriques qui se disent satisfaits affirment tout de même qu’ils essaieront une autre marque lors de leur prochain achat.
Tout reste donc à faire pour les marques pour gagner la fidélité de cette nouvelle clientèle.
Vers la fin des concessions
L’essor de l’électrique implique certes un changement d’habitude pour le consommateur, mais ce n’est pas tout. C’est tout le secteur qui se voit transformé. Cette transition se faisant de pair avec une autre révolution : celle du digital. Ces mutations impactent toute la chaîne de valeur : du fournisseur de pneus au concessionnaire. Contrainte ou opportunité, tout dépend du point de vue.
En amont tout d’abord, un groupe comme Michelin doit lui aussi s’adapter à la transformation. En effet, ces nouveaux véhicules ont besoin de pneus plus résistants et plus silencieux. Une contrainte que le groupe a su transformer en opportunité. Proche de ses clients et les impliquant de A à Z dans le processus d’innovation, Michelin a su profiter de ces changements pour augmenter ses prix, force est donc de constater que ce changement à du bon, du moins pour certains.
Pour d’autres, le virage est plus difficile à prendre. Notamment pour les concessionnaires. Les constructeurs profitent en effet de ces nouveaux usages pour repenser leur modèle. Leur objectif est simple : retrouver un contact direct avec le client, sans passer par le concessionnaire donc.
Au-delà des canaux de distribution, ce sont les attentes des clients qui ont évolué. Plus que juste posséder le véhicule, le client souhaite désormais avoir accès à un ensemble des services de mobilité. Par exemple, Volkswagen espère réaliser deux fois plus de chiffre d’affaires lié aux services de mobilité en 2030. Dans la même veine, le groupe allemand vise 60 % de ses ventes faites en « Direct-to-Consumer » c’est-à-dire sans passer par un concessionnaire en 2030. Le rôle des concessions est donc amené à évoluer. Il passerait d’une activité de vente de véhicules pure à davantage d’activité de conseil. Les concessions deviendront des centres d’essai et des hubs logistiques, comme des points de livraison des nouveaux véhicules. Cette transformation est déjà en cours sur les principaux marchés du groupe. De nouveaux canaux de vente, comme des pop-ups stores, font aussi leur apparition sur le secteur, notamment en Chine pour Volkswagen. Autant de pratiques empruntées au retail classique et auxquelles les acteurs du secteur sont désormais confrontés. Des pratiques qui semblent payer, du moins pour Volkswagen qui enregistre de fortes hausses de satisfaction client dans notre baromètre Ipsos-Trusteam, mais également aux USA, comme observé dans l’American Customer Satisfaction Index(3).
Si certains constructeurs, comme c’est le cas de Volkswagen ou encore de Toyota, ont réussi à prendre de l’avance, d’autres sont à la peine. En cause, des relations tendues avec les concessionnaires et une satisfaction trop faible pour compter la fidélité des clients dans cette période tumultueuse.
Ce sont autant d’éléments qui nous font dire une fois de plus qu’au milieu de toutes les mutations et transformations actuelles, la satisfaction client est un phare qui permet de déterminer quelles sont les entreprises qui sortiront vainqueur du changement de paradigme que nous vivons actuellement.
1. Auto-infos.fr, « En France, les véhicules électrifiés frôlent les 18 % de parts de marché », 11 octobre 2021.
2. Jdpower.com, “Making Electric Vehicle Leap of Faith is Highly Satisfactory to New Owners, J.D. Power Finds”, 27 janvier 2022.
3. Theacsi.org.
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