Olivier Goy (Lendix), le disrupteur du financement des PME
De gauche à droite, Patrick de Nonneville (COO), Marc Sebag (CRO), Grégoire de Lestapis (CEO Lendix Espagne) et Olivier Goy (CEO) lors de la mise en ligne du premier projet espagnol sur la plate-forme.
Olivier Goy accompagne depuis près de vingt ans les entreprises dans leur développement. Après avoir démocratisé le capital-investissement auprès des particuliers en fondant 123Venture en 2001, il s’est lancé un second défi en 2014, celui d’évangéliser le prêt aux TPE et PME grâce à sa plate-forme Lendix, aujourd’hui leader du marché.
La crise de la quarantaine peut fort heureusement se relever bénéfique. La success story d’Olivier Goy en atteste. En octobre 2014, soit quelques mois après avoir soufflé ses bougies, il décide de fonder Lendix, une des premières plates-formes de Crowdlending. Quatre ans plus tard, avec une part de marché d’environ 56 %, celle-ci est, de loin, le leader en France du marché du prêt aux entreprises.
Démocratiser l’accès au capital-investissement
Olivier Goy ne partait pas vraiment de zéro, puisqu’il s’est lancé, à l’âge de 26 ans, dans l’aventure entrepreneuriale en fondant 123Venture, une société de gestion indépendante spécialisée dans le capital-investissement, rebaptisée 123 Investment Managers depuis début 2017, afin de coller au mieux aux expertises développées au cours des quinze dernières années, tant en matière de capital-risque et de capital-développement que de dette mezzanine, d’infrastructures (éolien, photovoltaïque) et enfin d’immobilier.
La société de gestion est aujourd’hui l’un des leaders du Private Equity pour les particuliers. Il en demeure d’ailleurs le président du conseil de surveillance, ayant laissé à la création de Lendix les commandes à Xavier Anthonioz, associé historique, qui siège comme président du conseil de surveillance de Lendix.
Diplômé de l’EM Strasbourg, HEC Montréal et titulaire du DECF, il ne s’orientera pas vers une carrière d’expert-comptable. C’est en faisant ses armes chez Partech Ventures, un fonds de capital-risque franco-américain spécialisé dans les technologies de l’information et de la communication, qu’il va très rapidement voler de ses propres ailes.
En effet, neuf mois après avoir intégré Partech, cette dernière lui demande de parfaire son parcours universitaire par un MBA. Ayant nullement envie de remettre le nez dans les bouquins, il décide de lancer sa propre société, avec une idée en tête : démocratiser l’accès au capital-investissement en ouvrant cette classe d’actifs aux particuliers.
Son premier et dernier employeur n’est pas pour autant rancunier, puisqu’il lui prête ses locaux et devient son premier actionnaire. Partech l’accompagne toujours aujourd’hui puisque la société sera également présente lors de la création de Lendix. « Fonder mon entreprise aura été bien mieux qu’un MBA. J’ai beaucoup appris, même si certaines nuits, on ne dort pas », se souvient Olivier Goy.
Une aventure jalonnée d’épreuves
Loin d’être un long fleuve tranquille, cette aventure a été jalonnée de mésaventures… Et pour cause ! Olivier Goy lance son premier fonds le 4 septembre 2001, en pleine crise financière ; freinant considérablement la commercialisation de celui-ci, la société de gestion frôle le dépôt de bilan en fin d’année 2002. « Licencier, alors que l’on vient de lancer son activité, a été une première épreuve. Cela a créé une culture d’entreprise chez 123 IM qui existe toujours, quinze ans après ; on fait attention à l’argent que l’on a et à la manière de le dépenser ».
123 IM a aussi connu les affres de l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui lui infligera, en 2013, une amende de 100 000 € pour ne pas avoir respecté ses obligations professionnelles dans le cadre de la commercialisation de ses FIP dédiés au développement des parcs éoliens ; une des premières sanctions du régulateur qui tienne compte de l’absence de préjudice aux intérêts des clients pour en minimiser le montant. « Cela n’est jamais très agréable de se faire taper sur les doigts quand on essaie de faire les choses avec rigueur, mais cela fait partie des apprentissages ».
Cette déconvenue ne l’empêchera d’ailleurs pas de se développer dans l’année qui a suivi la sanction du gendarme de la Bourse. Aujourd’hui, la société de gestion compte plus de 70 000 clients privés et 1,3 milliard d’euros d’actifs sous gestion investi dans cent huit sociétés non cotées européennes. Elle est détenue à ce jour par ses fondateurs et ses équipes salariées. « Au sein d’123 IM, nous avons toujours privilégié l’actionnariat salarié, même si au début de l’aventure nous avons eu des actionnaires externes. Chez Lendix aussi, nous y sommes également très attachés ».
Evangéliser le prêt au PME
Automne 2014, le marché du prêt au PME s’ouvre : le décret relatif au financement participatif porté par Fleur Pellerin, alors ministre déléguée chargée des PME, de l’Innovation et du Numérique, met fin au monopole bancaire en permettant à des particuliers de financer des PME. Olivier Goy se lance alors un nouveau challenge. « J’ai saisi l’opportunité nouvellement offerte par la réglementation pour repartir d’une feuille blanche, ayant toujours le même souhait de répondre aux attentes de financement des PME et des investisseurs, et l’aspect fortement technologique me passionne depuis toujours ». Il est d’ailleurs vice-président trésorier de l’association France FinTech.
Un marché de 90 milliards d’euros par an suscite forcément les convoitises. Il n’est pas le seul à saisir cette opportunité. Quelques mois seulement après la publication du décret, non moins d’une soixantaine d’acteurs sont sur la ligne du départ. Cependant, le marché s’est très rapidement concentré. Il n’en reste aujourd’hui plus que cinq, Lendix représentant à lui seul 56 % du marché et cinq fois le volume du numéro deux, Crédit.fr. « Beaucoup d’acteurs se sont lancés, soit en n’ayant pas les moyens de leurs ambitions – concrètement en n’ayant pas les actionnaires qui puissent les financer le temps d’arriver à la rentabilité – et parfois, sans les compétences nécessaires pour maîtriser le financement des PME. Il faut connaître à la fois le crédit, la réglementation, la technologie… Ce qui a conduit certains acteurs à être radiés rapidement par le régulateur ».
Des institutionnels se sont également intéressés à ce marché. L’année dernière, la Banque postale a racheté KissKissBankBank ; Tikehau Capital s’est offert Crédit.fr. « Nous sommes plutôt contents d’avoir des concurrents sérieux qui sont là, avec nous, pour évangéliser ce marché ». Dans son actionnariat historique, Lendix compte Partech Ventures et Decaux Frères Investissements, et depuis peu CNP Assurance et Matmut, notamment. Un actionnariat qui pèse 19 millions d’euros au capital, l’équipe restant majoritaire. Le financement en capital est bien entendu accompagné d’un engagement significatif des actionnaires à devenir également prêteurs sur Lendix.
Des prêteurs institutionnels garants du modèle
Selon Olivier Goy, la réussite de Lendix tient à son modèle : « toutes les plates-formes de prêt, comme Lendix, sont confrontées à un problème classique de place de marché, à savoir de poule et d’œuf, il faut que l’offre et la demande se rencontrent. Dès le démarrage, nous avons pris le parti de ne pas nous adresser aux seuls investisseurs particuliers, qui mettent en moyenne 120 euros par prêt, mais aussi aux institutionnels. C’est le meilleur moyen de sécuriser le financement des PME ».
La plate-forme a plus de 30 000 investisseurs inscrits et compte parmi eux la banque européenne d’investissement, la BPI, Groupama, CNP Assurance ou encore la Matmut. Les particuliers représentent 30 % de son portefeuille de prêteurs, le solde étant des institutionnels. « Nous pouvons ainsi nous concentrer principalement sur la sélection des PME à financer. On finance aussi bien des petits prêts de 30 000 euros que des demandes de 5 millions d’euros ». Cela offre ainsi aux prêteurs davantage de diversification.
Lendix conseille toujours aux investisseurs de prêter a minima à une cinquantaine d’entreprises, afin de minimiser le risque en absorbant le choc d’un risque de défaut de l’une d’entre elles. En effet, le risque de défaut existe, même si tous les mois les investisseurs perçoivent le remboursement d’une partie du capital et des intérêts. Le taux de défaut chez Lendix est de 0,86 %, ce qui reste faible. « Au bout d’un an, sur un prêt de deux ans, le prêteur a récupéré plus de la moitié du capital investi ». Aucun frais de gestion et d’ouverture de compte ne vient amputer le taux servi. Lendix se rémunère sur les frais de dossier de l’emprunteur. « Nous avons bien fait notre travail de sélection et la conjoncture est également favorable. Nous restons donc prudents ».
Petite anecdote : « nous avons connu de la part d’un emprunteur une fraude en bande organisée assez importante, de l’ordre de 500 000 €. Nous avons attaqué les fraudeurs, aujourd’hui en prison, et récupéré notre argent. Dans ces moments difficiles, les personnes se révèlent, les équipes se battent, créant un vrai esprit de corps ».
Un acteur complémentaire du système bancaire
Lendix se positionne comme un acteur complémentaire du système bancaire. « Nous travaillons très bien avec les banques, puisqu’elles nous envoient des dossiers. » Si les banques prêtent aujourd’hui à des taux bas, en revanche, elles ne savent pas prendre des décisions rapidement et ont des difficultés à financer des besoins particuliers, notamment les actifs immatériels comme le financement d’une campagne marketing ou le lancement d’un nouveau site Web, ou encore des actifs matériels situés à l’étranger. C’est là que Lendix fait la différence en prêtant rapidement en quarante-huit heures et sans demander en garantie des cautionnements ou des nantissements avec, en contrepartie, un taux du prêt plus important.
Elle a mis dernièrement en place les prêts relais flexible, qui permettent à des entreprises d’emprunter chez Lendix et de pouvoir se refinancer moins cher plus tard auprès d’une banque. « Les taux commencent à 2,5 % et vont jusqu’à 9 % selon la qualité de l’entreprise et la durée du prêt. Ils sont en moyenne de 6 % ».
La plate-forme vise les entreprises qui font un minimum de 250 000 € de chiffre d’affaires et qui sont rentables. Elle ne cible donc pas les start-up, qui doivent se financer avec du capital, ni les entreprises en difficulté ou en retournement. Lendix a accordé son premier prêt en mars 2015 à Alain Ducasse Entreprise. Depuis, plus de quatre cents TPE et PME ont eu recours à la plate-forme, les montants financés étant à ce jour supérieurs à 180 millions d’euros.
Certaines entreprises sont connues du grand public, d’autres le sont moins. A titre d’exemple, la société 5àsec a ainsi emprunté à trois reprises sur Lendix pour financer la refonte de l’identité visuelle de plusieurs enseignes, ainsi que le développement de sa start-up Groombox. Emova Group (Monceau Fleurs, Happy, entre autres) en a fait de même pour financer le développement du groupe (acquisitions, travaux).
Malgré son succès, Olivier Goy reste un entrepreneur bien ancré : « comme toute start-up, Lendix doit grandir vite, mais de manière raisonnée. Si l’on croît trop vite, nous aurons un taux de défaut qui pourrait augmenter fortement et conduire les prêteurs à se détourner de ce mode d’investissement. Aujourd’hui, nous n’avons pas de difficultés à trouver des prêteurs ; ils sont nombreux. Il s’agit davantage de convaincre les emprunteurs, conditionnés par des décennies de monopole bancaire. Tout notre challenge consiste à évangéliser les dirigeants de TPE et PME ».
Une FinTech à dimension européenne
La FinTech française veut être l’un des premiers acteurs européens du financement en ligne des entreprises. « Nous avons créé une vraie Europe de l’épargne. Il est plus facile aujourd’hui à un Français de prêter en quelques clics à une société espagnole ou italienne que d’acheter des parts d’OPCVM italien dans une banque italienne, par exemple ». Après avoir convoité le marché espagnol en 2016, l’Italie en 2017, elle s’attache cette année à Allemagne et aux Pays-Bas. « Dès le démarrage de Lendix, nous avons eu le souhait d’être présent au-delà de l’Hexagone, ce qui en soit est très compliqué pour une société naissante lorsque la réglementation n’est pas homogène au niveau européen et que l’on dépend de chaque régulateur national ».
Le souhait de la Commission européenne d’aider les plates-formes de financement participatif à se développer dans le marché unique de l’UE, en rendant l’activité passeportable à travers des exigences réglementaires communes à tous les opérateurs, est de bon augure pour Lendix comme pour ses concurrents.
Le marché outre-Atlantique est bien plus mature. Le taux de pénétration des plates-formes en Europe continentale est de 0,2 % du marché bancaire et celui de la Grande-Bretagne de 2 %. « Si l’on compare notre croissance à celle des leaders anglais, nous avons la même, ce qui est bon signe. Notre objectif d’ici cinq ans est de prêter environ un milliard d’euros par an dans sept pays », conclut Olivier Goy.
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