Fiscalité de la transmission de patrimoine : état des lieux avant (éventuelle) réfection

Par : edicom

Par l’équipe d’ingénierie patrimoniale de Banque Richelieu France

Le thème de la fiscalité des transmissions de patrimoine s’est invité dans la campagne électorale présidentielle comme un débat central. Sans discuter de l’opportunité des projets de réforme, de sens contraire, avancés par les candidats, il semble utile de revenir à un certain nombre de points-clés relatif à cet impôt, avant que la majorité qui sera issue des prochaines échéances électorales ne se lance dans des réformes.

 

1. Les droits de donation et succession contribuent-ils au financement des charges publiques ?

Oui, mais de manière marginale. En effet, les recettes liées à cet impôt ne représentent en France que 1,3 % du montant des recettes fiscales. Pour les pays de l’OCDE, elles ne représentent en moyenne que 0,36 % du total des recettes fiscales, quatre pays seulement dépassant 1 % : Belgique, Corée, Japon et France.

 

2. Les droits portant sur les transmissions de patrimoine participent-ils à un objectif de justice sociale ?

Oui, à travers deux mécanismes. D’abord, par une exonération des petits patrimoines, chaque pays ayant sa propre définition du petit patrimoine. En France, l’abattement de 100 000 € pour chaque descendant permet d’exonérer 87 % des successions. Cet abattement est bien plus conséquent chez un grand nombre de nos voisins, à commencer par l’Italie (avec un abattement de 1 million d’euros), ou la Grande-Bretagne (abattement de 325 000 £).

Ensuite, par des droits progressifs, ayant vocation à éviter la constitution de patrimoines de rentiers. Après l’abattement évoqué ci-dessus, le système français prévoit une série de droits progressifs, la tranche maximale s’établissant à 45 % lorsque la transmission en ligne directe excède 1,9 million d’euros. En Allemagne, la tranche la plus élevée est à 30 %, mais au-delà de 26 millions d’euros. En Belgique, la tranche marginale la plus élevée est à 30 % ; et elle est à 40 % en Grande-Bretagne. Enfin, certains Etats européens exonèrent de droits de succession les descendants, notamment en Autriche, Norvège ou en Suède.

En ligne indirecte, la constitution de rentes successorales est clairement freinée, avec des droits en France atteignant rapidement 45 % entre frères et sœurs, 55 % entre oncles et neveux, et 60 % entre tiers. Pour de telles transmissions, la France est toutefois dépassée par la Belgique (droits compris entre 65 et 80 %).

Les droits de donation et succession participent-ils à d’autres objectifs de politique économique ?

Oui. D’abord, le contribuable qui choisit d’investir dans l’assurance-vie permet, à terme, de profiter d’un abattement unitaire, distinct de l’abattement sur les successions, et supérieur dans son montant (152 500 €), puis de subir un taux maximal de taxation plus faible (31,25 %, contre 45 %), quel que soit le lien de parenté. En contrepartie, l’Etat bénéficie d’un large investissement des compagnies d’assurances dans les titres de dette qu’il émet.

Ensuite, les transmissions familiales d’entreprise peuvent bénéficier, sous certaines conditions, d’un abattement de 75 % sur la valeur des titres transmis, ce qui ramène la tranche maximale de droits de donation (ou de succession) sur de tels actifs de 45 à 11,25 %. Enfin, l’exonération des donations et legs effectués au profit de certains organismes sans but lucratif permet de transférer aux donateurs et légataires une partie de la charge du financement des causes d’intérêt général.

 

3. La possibilité de donner tous les 15 ans 100 000 € en franchise de droits à descendants crée-t-il un avantage conséquent ?

En fait, l’avantage est plafonné, et égal au montant du produit de l’abattement (100 000 €) par le taux de droits de donation, soit, au mieux, 45 000 €. Ainsi, pour une succession de 3 millions d’euros, la somme due par l’héritier passe de 1 067 394 € (sans donation préalable) à 1 022 394 € (avec donation préalable). L’avantage est plus conséquent si la donation est assortie d’une réserve d’usufruit, car à terme, le bien sera récupéré en pleine propriété, alors que les droits de donation n’auront porté que sur la valeur de la nue-propriété.

Toutefois, si on compare ce dispositif avec les dispositifs étrangers, on notera qu’une donation, quel que soit son montant, est exonérée si elle intervient plus de sept ans avant le décès du donateur au Royaume Uni, ou plus de trois ans avant le décès en Belgique.

 

4. Quel jugement porter sur l’exonération de droits de succession du conjoint survivant, dispositif largement utilisé par l’ensemble des Etats européens ?

L’avantage réel réside dans les attributions au conjoint en usufruit, car lorsque l’usufruit s’éteint, les descendants deviennent pleins propriétaires du bien démembré en franchise de droits en France (à la différence de la Belgique, où l’extinction de l’usufruit sera taxée). En revanche, si le conjoint se voit attribuer des biens du disparu en pleine propriété, ceux-ci vont augmenter son propre patrimoine, et seront taxés lors de sa transmission aux descendants à un taux plus élevé.

 

5. Quelles sont les pistes possibles de réforme ?

Elle se partagent en deux, selon que l’on opte pour un assouplissement ou un durcissement du régime actuel.

Le durcissement du régime actuel peut passer par le retour dans le droit commun de certains dispositifs de faveur : assurance-vie, transmissions familiales d’entreprise, exonération du conjoint, ou exonération des dons et legs aux organismes d’intérêt général. On peut également envisager une taxation du bénéficiaire sur toutes les transmissions au cours de la vie, sans « remise à zéro » du compteur des abattements pour des donations anciennes, ni prise en compte d’une taxation distincte pour chaque transmission parentale.

On peut à l’inverse aller vers un adoucissement des régimes actuels, avec une augmentation des abattements unitaires, la réduction du délai de non-rapport fiscal de quinze à dix ans, voire six ans (comme à l’époque de la loi Tepa). On peut également envisager une moindre taxation des donations en ligne indirecte, ou encore une dissociation entre donations (exonérées intégralement) et successions (taxées comme actuellement), voire une exonération intégrale des donations et successions.

  • Mise à jour le : 24/03/2022

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